André Malraux et Blaise Cendrars

André Malraux et Blaise Cendrars

9 juillet 2021 0 Par Cyril Lélian Daudé

En 1954, dans la revue Risques n°9/10 “Salut Blaise Cendrars !”, André Malraux est invité à rendre hommage à l’écrivain et au poète. Il prononça ainsi une déclaration restée fameuse : « Ni le nom, ni l’œuvre de Cendrars ne sont ignorés : ils sont distraitement reconnus, comme le furent le nom et l’œuvre de Gérard de Nerval ». Mais d’ajouter aussitôt : « nous tenons Cendrars pour l’un des plus grands poètes de ce temps »[1]. Rapprocher Cendrars de Nerval était un geste aussi bienvenu que prémonitoire, Gérard de Nerval était (avec Villon) le poète préféré de Cendrars, qui s’identifiait à lui comme un sosie spirituel. Et il lui a emprunté la plus troublante des devises : « Je suis l’autre »[2].

Depuis l’hommage de Malraux, les temps ont bien changé. Cependant que Nerval est considéré depuis Proust et les surréalistes comme un écrivain majeur, l’heure n’est plus à la reconnaissance distraite pour Cendrars. Le voici face à un destin imprévu, qui est celui d’une consécration en chaîne. En 2013, ses Œuvres autobiographiques complètes sont entrées dans la Bibliothèque de la Pléiade, souvent considérée comme le Panthéon des Lettres. Quatre ans plus tard, ses Œuvres romanesques, précédées des Poésies complètes ont pris le même chemin. Cendrars l’inclassable est en passe de devenir un classique. Telle est l’ironie du sort : le poète qui n’était pas avare de virulentes diatribes contre la critique professionnelle et la « sombre Sorbonne dûment munie de paratonnerres » court le risque de rejoindre à son tour ce qu’il appelait avec dédain « la grande famille des Momies Épitaphées »[3]

[1] Risques, n°9/10, 1954.

[2] L’Homme Foudroyé, p.62 et 122.

[3] Œuvres poétiques et romanesques complètes, t. II, « Bibl. de la Pléiade », Gallimard, page 900.