Écriture d’appropriation en atelier

Écriture d’appropriation en atelier

17 novembre 2021 0 Par Cyril Lélian Daudé

Table des matières

Article écrit dans le cadre de la rédaction du mémoire de recherche professionnel. En cours de rédaction.

Période aussi riche et intéressante que complexe, le XIXe siècle français présente plusieurs difficultés dans le cadre d’un enseignement à des classes de lycée. Après plusieurs tentatives pour parvenir à immerger l’élève de seconde dans l’univers littéraire dix-neuvièmiste, j’ai souhaité tenter l’expérience d’un atelier d’écriture d’appropriation en groupe, en étroite relation avec les outils du numérique. Explication et constat.

1. De la difficulté de favoriser l'immersion de l'élève dans une œuvre littéraire jugée trop lointaine

En consacrant une séquence sur la nouvelle et le réalisme au XIXe siècle, plusieurs problèmes ont surgi spontanément : d’abord, la difficulté pour l’élève lycéen de la génération milléniale à s’immerger dans une période qui lui semble trop lointaine et, par prolongement, considérée injustement comme « poussiéreuse ». Étroitement liée à ce problème premier, la résistance de la langue dix-neuvièmiste (lexicale notamment) tend à discriminer les élèves rencontrant des difficultés naturelles avec la langue française. Pourtant, l’étude du français en classe de seconde ne peut s’abstenir d’une étude, a minima ciblée, sur cette période riche tant du point de vue historique, social que culturel. Ce qui pose alors la question de l’inclusivité dans l’enseignement de cette période : comment parvenir à intégrer chaque profil d’élève, avec sa propre singularité, ses facilités ou ses difficultés avec le français en tant que matière scolaire ?

La première entrée en matière, par la lecture de courtes nouvelles à chute de Guy de Maupassant issues des Contes du jour et de la nuit, permet de tisser un lien entre le collège (par les rappels de notions déjà étudiées) et le lycée (nouvelles exigences et notions). Ce choix apparaissait d’abord comme judicieux : il favorisait une transition vers le nouvel environnement pédagogique pour l’élève de seconde, tout en lui évitant de perdre pied grâce à des repères – même mal maîtrisés – communément étudiés en classe de 4ème et de 3ème. À ce titre, Maupassant a tendance à rassurer : les élèves connaissent l’auteur, ont déjà lu au moins une de ses nouvelles (généralement, Le Parure) et peuvent en parler un minimum. Mais une fois que l’élève a touché du doigt les principales notions que, consciemment ou inconsciemment, il connaissait, l’entrée de plain-pied dans le programme du lycée ainsi que l’acquisition de nouvelles compétences qui lui sont inhérentes s’avèrent plus complexes.

Force est de constater que si cette première approche pédagogique avec la littérature du XIXe siècle et ce qu’elle sous-tend n’était pas inintéressante, une trop forte majorité d’élèves n’était pas encore parvenue à « briser la glace ». Il demeurait encore trop de facteurs nuisant à l’immersion de l’élève dans les œuvres de la période. D’autant plus que le réalisme de la seconde moitié du XIXe siècle puise son inspiration dans des épiphénomènes appartenant à une période restreinte et limitée, avec la présence ponctuelle d’un vocabulaire scientifique aujourd’hui considéré comme vieilli et inusité.

2. Approche classique et approche innovante : analyse comparative

Se pose donc un triple enjeu : 1. Construire une pédagogie de cours favorisant la différenciation (donc inclure tous les profils d’élève) tout en permettant à chacun de notifier une progression commune et individuelle. 2. Moderniser le regard sur des œuvres lointaines souvent opaques pour un adolescent de quatorze ou quinze ans. 3. Parvenir à ce que l’élève, au-delà de comprendre ces œuvres, puisse se les approprier et intégrer le paradoxe de l’extrême modernité de ces œuvres pourtant lointaines.

Nous employons le terme d’immersion. Il faut concevoir cette terminologie par l’analogie de l’apprentissage de la natation. Ce n’est pas parce qu’un enfant met plus de temps que les autres pour apprendre à nager et à s’immerger qu’il faut le laisser se noyer pour assurer la progression du reste du groupe. À l’inverse, on ne peut pas non plus continuer à apprendre aux autres enfants à nager sous prétexte qu’une minorité ne le sait toujours pas. Il faut donc veiller à une émulation de groupe, avec des enjeux et des objectifs communs, mais où chacun progresse à son rythme, avec ses propres étapes, pour éviter à la fois l’épuisement ou, à l’inverse, la noyade.

Reste à définir le comment.

L’opportunité qui m’est donnée d’avoir deux classes de seconde au profil très similaire m’a permis en outre d’employer une démarche comparative : une approche dite classique d’une part, une approche dite innovante d’autre part. La comparaison entre ces deux approches permet de mieux éclaircir la démarche. Précisons :

  1. par approche « classique », il s’agit de séances de cours dialoguées, inter et intra-actives, en vue d’immerger l’élève dans les œuvres – lecture d’extraits, débats entre les élèves, réflexion en groupe, analyse morphosyntaxique et sémantique… –. En d’autres termes, il s’agit d’une approche davantage magistrale. En tant que professeur, je reste le principal acteur et meneur du cours en l’encadrant et en établissant des jalons prédéfinis par un plan de séance élaboré au préalable.

  2. par approche « innovante » au moyen du numérique, il s’agit de séances au fonctionnement moins traditionnel, notamment grâce au concours d’outils et de mediums habituellement distanciés du cadre scolaire et surtout du magistral. Dans cette approche, les élèves sont les principaux acteurs de la séance, ils bâtissent le cours et opèrent leur propre manière d’entrer dans l’œuvre, notamment en se servant des outils innovants mis à leur disposition.

La première classe de seconde (que nous renommerons ensuite 2A pour la clarté de la démonstration) a donc suivi une approche « classique » ; la deuxième classe (que nous renommerons 2B) a suivi une approche « innovante ». 2A et 2B ont eu les mêmes objectifs et les mêmes consignes : fournir à une échéance égale (5 semaines) une nouvelle réaliste à la manière de Maupassant. Si la finalité reste identique, les moyens employés sont particulièrement différents.

Consigne : Rédigez, à la manière de Maupassant, une nouvelle à chute mettant en scène la monstruosité.

Critères obligatoires :
Lieu : dans les Alpes-Maritimes
Temporalité : 2021
Écrire à la manière de Maupassant (vocabulaire, construction de phrase)
Registres : réaliste (créer un effet de réel) et dramatique (créer un effet de suspense)
Temps du récit : imparfait, passé simple, plus-que-parfait
Au moins un dialogue
Thème : un événement monstrueux et au moins un personnage monstrueux
Chute obligatoire

3. Mise en pratique des approches pour les classes 2A et 2B

La préfiguration pour les classes 2A et 2B est la suivante : Les élèves sont constitués en groupes homogènes lors des séances en demi-groupe : c’est-à-dire que chaque groupe est constitué d’élèves de même niveau. Cette approche est liée à la démonstration précédente visant à la pédagogie différenciée et à l’adaptation des enjeux selon le niveau des élèves en Français. La visée est donc l’émulation de groupe : partant, chaque groupe de même niveau peut avancer à un rythme régulier et cohérent sans laisser de côté un ou deux éléments qui le composent. Par la même, cela pousse chaque élève à être producteur de contenus.

 30 à 35 minutes sont consacrées à la pratique en autonomie. Chaque groupe désigne un orateur qui doit, le temps écoulé, passer au tableau pour faire la synthèse de la production de son groupe. Environ dix minutes sont aménagées à cet effet. À chaque fin de séance, les groupes remettent une feuille qui retranscrit leur avancée et leur travail durant le temps imparti. Le temps restant est consacré au bilan de séance dans lequel les idées dominantes sont synthétisées par prises de notes communes pour poser les jalons conduisant à la prochaine étape de l’écriture d’appropriation en atelier.

Les deux classes ont précédemment lu dix nouvelles de Guy de Maupassant et ont eu un cours introductif au genre de la nouvelle. Chaque classe et chaque groupe bénéficie du même suivi et du même encadrement par le professeur.